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mardi 25 janvier 2011
Utopsy reprend le 7 février 2011 nous recevrons à cette occasion Pablo Votadoro, médecin psychiatre responsable d’une unité d’hospitalisation pour adolescent à l’institut Marcel Rivière de la la MGEN ( service dirigé pendant de nombreuses années par Richard Rechtmann psychiatre et anthropologue)
Nous essaierons d’avoir une réflexion autour de la question des normes , question intéressante s’il en est, mais question épineuse et sujette à controverse particulièrement dans notre champ : celui de la maladie mentale .
C’est quoi au juste être normal ? A quoi ça sert ? Quelles sont les conséquences ? Quelles sont les spécificités des normes produites par la psychiatrie ?
En recherchant le mot « norme » dans Wikipedia, on tombe sur la définition suivante :
« Une norme, du latin norma (« équerre, règle ») désigne un état habituellement répandu ou moyen considéré le plus souvent comme une règle à suivre. Ce terme générique désigne un ensemble de caractéristiques décrivant un objet, un être, qui peut être virtuel ou non. Tout ce qui entre dans une norme est considéré comme « normal », alors que ce qui en sort est « anormal ».
Le concept de norme est associé aux termes : statistique , moyenne, probabilité, évaluation, bonne pratique . A l’opposé on retrouve le hasard, l’accident, le risque.
Nous trouvons des normes dans plusieurs disciplines , avec des définitions différentes : normes juridiques (ex : le code le route) , industrielles (ex : les normes ISO), dans les sciences dures ou sociales, etc. Elles peuvent être formelles ou informelles, quantititatives ou qualitatives, descriptives ou prescriptives, clinique ou paraclinique....
En philosophie, une norme est un critère auquel se réfère implicitement ou explicitement un jugement de valeur. Le but est de permettre de discriminer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas. Elle sera donc à l’origine de prescriptions morales mais sera en revanche différente d’une conduite éthique.
Une norme, au sens sociologique du terme, représente un comportement généralement observé dans un contexte donné. Il n’est plus question d’un jugement de valeur mais de déviance.
En médecine, la norme c’est la santé, par opposition à la maladie. Pour G. Canguilhem, il existe deux types de normes, des normes biologiques qui sont à observer et des normes sociales qui sont à inventer. Ces deux types de normes intéragissent les unes avec les autres, les normes biologiques sont adaptées au milieu dans lequel vit l’individu mais dépendent au moins en partie des normes sociales.
Quelque soit la discipline qui les crée , le concept de norme est en relation étroite avec le concept de pouvoir. En effet, pour qu’ une règle de vie entre en vigueur dans une société, elle doit être acceptée par la majorité (loi du plus grand nombre) ou imposée.
La science crée un savoir et par là même un pouvoir. En ce qui nous concerne, la psychiatrie, le fou est , en fin de compte, contraint de se confronter au pouvoir psychiatrique. L’hystérique qui rencontrait Charcot allait même jusqu’à reproduire ce que le savoir médical de l’époque avait inventé. Ceci ouvre le champ encore insuffisamment exploré de la iatrogénie en psychiatrie, c’est à dire comment le médecin par son action, par sa praxis articulée à un savoir constitué ou prétendu comme tel, un savoir qui est par définition limité, va causer des troubles chez son patient, en dehors de la maladie pour laquelle il doit être soigner. L’hystérie reste le modèle paradigmatique du potentiel iatrogénique du discours et des normes psychiatriques.
Un certain nombres de psychiatres associés à l’antipsychiatrie ( ex : Basaglia) ou à la psychothérapie institutionnelle (Oury) ou des sociologues ( E. Goffman), se sont intéréssés au rapport qui existent entre les personnes dans les institutions psychiatriques. Un des constats majeurs est que dans c’est institution , il y a ceux qui ont le pouvoir, les soignants, et les autres, les malades. Cette confrontation de deux populations différentes va entrainer des modifications dans l’expression de la maladie , et doit être prise en compte lorsque l’on souhaite traiter les fous avec le respect et la dignité qu’ils méritent. De cette découverte naît, selon M. Foucault, un mouvement de dépsychiatrisation, qui ne consiste pas à diminuer le pouvoir du psychiatre mais à le déplacer pour le rendre plus exact. Ce mouvement de dépsychiatrisation décrit par M. Foucault s’est fait selon deux modalités, la première est celle de la psychochirurgie et de la psychiatrie pharmacologique , place actuellement occupée par les neurosciences. L’autre façon de dépsychiatriser la maladie mentale est la psychanalyse.
Karim Fénichel, pour Utopsy
Bibliographie :
"Le normal et le pathologique" , G. Canguihlem
"Le pouvoir psychiatrique", M. Foucault
"Asiles , étude sur la condition sociale des malades mentaux" , E. Goffman
"Stigmate " , E. Goffman
"La gestion des risques", R. Castel